118 pages, 17 illustration, aussi disponible en version Kindle sur Amazon.fr
Souvenirs d'une famille juive d'Egypte. De son exode suite aux évènements de 1956. Des péripéties de son arrivée en Europe, à Milan d'abord et finalement son installation à Lausanne en Suisse.Cette histoire de la famille Cicurel est probablement semblable à celle de milliers d'autre familles juives d'Egypte maintenant dispersées au quatre coins du monde. Je l'ai écrite pour mon petit fils Ben qui aura un jour besoin de savoir.
EXTRAITS DU LIVRE
Je ne sais plus trop faire la différence entre mes souvenirs et tout ce que j'ai lu et surtout tout ce que l'on m'a raconté au sujet de l’Egypte de mon enfance. Presque tous mes points de repère ont aujourd'hui disparu, les anciens sont décédés, les constructions ont étés rasées et remplacées et surtout l’Egypte a elle-même profondément changé. Lorsque nous avons quitté le pays, le Caire était une ville de deux millions d’habitants. Aujourd’hui elle en compte probablement plus de 20 millions. Le Caire et Alexandrie étaient extrêmement cosmopolites, multiculturelles, multi- religieuses et possédaient un goût certain pour la variété ,des cultures, pour les échanges et pour le com- merce international. Trente ou quarante ans après avoir quitté, j’ai progressivement éprouvé un besoin croissant devenant finalement impérieux, irrésistible comme une soif vitale, de boire à nouveau l’eau du Nil. Je suis retourné en Egypte. J’ai été la première fois désorienté. Le choc a été trop violent, tout était trop loin de mes images d’enfant. Un flux de sentiments nouveaux, curieux, jusqu’à lors incon- nus, m’envahissait. Comment décrire ce mélange incongru, cette impression d’être chez soi, mais chez quelqu’un d’autre. La crainte que les choses ne soient pas comme mon souvenir, parfois la joie de les retrouver identiques. Cet assaut brutal de la réalité sur la mémoire qui déstabilise complètement et se mixe à un indescriptible enthousiasme de reconnaître, un pont, un immeuble, un sourire. Les taxis
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noirs et blancs. Une charrette pleine de fruits tirée par un âne. Le sifflet d’un policier.
En arrivant, j’appelais, comme je le faisais chaque soir vers 8 heures ma mère à Lausanne. Elle ne se doutait de rien.
- Devine où je suis.
- Où es-tu cherrrri?
- Je suis au Caire.
- ... Quoi?..
- En Egypte.
- Reviens tout de suite, vite, vite, ils vont te tuer.
Ils ne m’ont pas tué.
J’étais comme sur une planète inconnue où pourtant chaque rue m’était quelque part familière, chaque bruit trouvait en moi son écho, chaque odeur déclenchait un flot de souve- nirs et parfois des poussées de larmes. Je me repérais comme chez moi tout en sentant bien que j’étais ailleurs.
A ma première visite au Caire en 1986, après 2 jours seulement, j’eu besoin de m’enfuir, c’en était trop. Trop de quoi? Je ne puis le dire, mais trop. J’interrompis net mon séjour, et sautais dans le premier avion sans pouvoir dire pourquoi. Ce que j’avais vu me semblait comme un mau- vais rêve qui allait détruire la beauté douce et feutrée de mes souvenirs, il a donc fallu que je parte tout de suite, que je me réveille de ce qui ne pouvait être qu’un rêve si mes souvenirs devaient rester la réalité. Peu d’êtres humains ont la chance de vivre cette incroyable expérience, comme si au réveil un beau matin quarante ans s’étaient écoulés. J’eu besoin d’un moment pour me ressaisir.
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Quelque temps après, je retournais au Caire, comme si ayant maitrisé des craintes, j’avais muri me sentant dès lors prêt à accepter la nouvelle réalité. Je devenais maintenant curieux de vérifier que j’avais vraiment fait ce pas intérieur et pouvais accepter les sentiments qui allaient forcément à nouveau m’envahir; en les recevant comme un bonheur. Je devais vérifier que j’étais prêt à regarder en face un passé qui avait vieilli, qui s’était ridé et déformé pour pouvoir lui-même vivre son présent. Que cela n’allait pas affecter mes souvenirs, mais les enrichir. Mes souvenirs devenaient ainsi d’autant plus les miens que peu de repères extérieurs demeuraient pour les confirmer. Une richesse nouvelle, cer- taine et invérifiable remplaçant un flou en quête de preuves. L’Egypte d’aujourd’hui allait encore contribuer à me construire.
Je me fais penser à un chien qui, curieux, s’approche en reniflant d’un animal inconnu et au premier petit mouve- ment imprévu fait soudainement un saut en arrière, prend ensuite un moment pour se ressaisir et se rassurer, restruc- turer sa pensée avant de s’approcher à nouveau avec une confiance retrouvée.
Article Ahram Hebdo Mars 2021. Aïcha Abdel-Ghaffar24-03-2021
En peu de temps, les Mémoires du Caire de Ronald Cicurel sont devenus quasiment un livre de chevet pour pas mal de familles d’origine juive égyptienne, qui ont quitté le pays où elles ont grandi, tout en y restant très attachées, en dépit des années et de l’éloignement. L’auteur, un mathématicien de renom qui vit en Suisse, a voulu transmettre cet amour, ainsi que ses souvenirs d’Egypte à son petit-fils. Pour ce, il lui adresse directement l’ouvrage, rien qu’à voir le titre : Mémoires du Caire. Souvenirs d’enfance d’un grand-père juif d’Egypte. Il y relate sa vie, son lien avec son pays de naissance, avant et après l’année 1956.
Dans l’introduction, l’auteur a précisé que sa fille, Valéry, lui a demandé d’écrire les mémoires de sa famille juive séfarade, ayant fondé les grands magasins Cicurel au Caire (les Galeries Lafayette de la capitale égyptienne) durant la première moitié du XXe siècle. Elle a dit que maintenant, l’histoire est derrière lui, unique et personnelle, l’invitant à la partager avec les siens.
Ronald prend alors son stylo pour décrire le pays qu’il a connu, très différent de celui qu’ont visité ses trois enfants, tous nés en Europe. Il évoque de manière poétique le désert, les dunes de sable et surtout le Nil, qui est à l’origine de la civilisation égyptienne, ainsi que la mer Méditerranée qui permet à l’Egypte de s’ouvrir sur le monde extérieur. Il explique aussi les raisons pour lesquelles les villes du Caire et Alexandrie sont devenues cosmopolites, de quoi avoir préservé leur identité plurielle et leur multiculturalisme, favorisés par les échanges commerciaux. Chrétiens, musulmans et juifs cohabitaient sans problème et sa famille fêtait, tour à tour, Noël, Ramadan et Kippour.
Il nous fait partager ses sentiments lorsqu’il a visité Le Caire en 1982 : d’une part, il se sentait sur une autre planète, et d’autre part, il avait l’impression que les rues lui étaient familières, que les voix résonnaient en lui et que chaque odeur lui rappelait un souvenir, parfois des larmes. C’est comme s’il se réveillait d’un coup, après 40 ans de sommeil. Mais il était prêt à accepter la réalité, sans rancune. Ayant compris que chaque part de ses souvenirs illuminait son histoire.
L’auteur décrit par ailleurs Maadi, la banlieue de son enfance, sa station de métro, sa principale rue commerçante (toujours la même, la rue 9), le Yacht Club. Et ce, à une époque où les parfums lancés par les grandes maisons de mode étaient en vente d’abord au Caire, avant d’être sur le marché à Paris ou à New York. L’éducation des enfants, au sein des familles aisées, était reléguée à des gouvernantes anglaises ; pour la plupart du temps, les infirmières venaient de la Yougoslavie et les domestiques du Soudan. Il continue à raconter la belle vie qu’il menait, notamment ses vacances d’été passées entre l’Europe et Alexandrie, ses voyages au bord du navire Espéria, qui quittait le port d’Alexandrie en direction de la Grèce, de l’Italie ou de la France. Et ce, avant de se rendre avec sa soeur à la station touristique de Villars, en Suisse, où séjournait également le fils du Shah d’Iran.....
En peu de temps, les Mémoires du Caire de Ronald Cicurel sont devenus quasiment un livre de chevet pour pas mal de familles d’origine juive égyptienne, qui ont quitté le pays où elles ont grandi, tout en y restant très attachées, en dépit des années et de l’éloignement. L’auteur, un mathématicien de renom qui vit en Suisse, a voulu transmettre cet amour, ainsi que ses souvenirs d’Egypte à son petit-fils. Pour ce, il lui adresse directement l’ouvrage, rien qu’à voir le titre : Mémoires du Caire. Souvenirs d’enfance d’un grand-père juif d’Egypte. Il y relate sa vie, son lien avec son pays de naissance, avant et après l’année 1956.
Dans l’introduction, l’auteur a précisé que sa fille, Valéry, lui a demandé d’écrire les mémoires de sa famille juive séfarade, ayant fondé les grands magasins Cicurel au Caire (les Galeries Lafayette de la capitale égyptienne) durant la première moitié du XXe siècle. Elle a dit que maintenant, l’histoire est derrière lui, unique et personnelle, l’invitant à la partager avec les siens.
Ronald prend alors son stylo pour décrire le pays qu’il a connu, très différent de celui qu’ont visité ses trois enfants, tous nés en Europe. Il évoque de manière poétique le désert, les dunes de sable et surtout le Nil, qui est à l’origine de la civilisation égyptienne, ainsi que la mer Méditerranée qui permet à l’Egypte de s’ouvrir sur le monde extérieur. Il explique aussi les raisons pour lesquelles les villes du Caire et Alexandrie sont devenues cosmopolites, de quoi avoir préservé leur identité plurielle et leur multiculturalisme, favorisés par les échanges commerciaux. Chrétiens, musulmans et juifs cohabitaient sans problème et sa famille fêtait, tour à tour, Noël, Ramadan et Kippour.
Il nous fait partager ses sentiments lorsqu’il a visité Le Caire en 1982 : d’une part, il se sentait sur une autre planète, et d’autre part, il avait l’impression que les rues lui étaient familières, que les voix résonnaient en lui et que chaque odeur lui rappelait un souvenir, parfois des larmes. C’est comme s’il se réveillait d’un coup, après 40 ans de sommeil. Mais il était prêt à accepter la réalité, sans rancune. Ayant compris que chaque part de ses souvenirs illuminait son histoire.
L’auteur décrit par ailleurs Maadi, la banlieue de son enfance, sa station de métro, sa principale rue commerçante (toujours la même, la rue 9), le Yacht Club. Et ce, à une époque où les parfums lancés par les grandes maisons de mode étaient en vente d’abord au Caire, avant d’être sur le marché à Paris ou à New York. L’éducation des enfants, au sein des familles aisées, était reléguée à des gouvernantes anglaises ; pour la plupart du temps, les infirmières venaient de la Yougoslavie et les domestiques du Soudan. Il continue à raconter la belle vie qu’il menait, notamment ses vacances d’été passées entre l’Europe et Alexandrie, ses voyages au bord du navire Espéria, qui quittait le port d’Alexandrie en direction de la Grèce, de l’Italie ou de la France. Et ce, avant de se rendre avec sa soeur à la station touristique de Villars, en Suisse, où séjournait également le fils du Shah d’Iran.
Le Caire en feu
Puis à l’âge de 7 ans, il y a eu un changement radical dans son existence. A l’école, son professeur le convoqua un jour pour lui ordonner de rentrer directement chez lui. Le petit a remarqué qu’il était accompagné d’un soldat à moto, et une fois il a gagné son domicile, leur maison était entourée de gendarmes. Ce sont ses derniers souvenirs du quartier de Maadi auquel, comme il a compris, il ne retournerait plus.
Quinze ans plus tard, on lui a expliqué ce qui s’est passé en 1952 : les détails de l’incendie du Caire, le départ du roi Farouq. Les magasins Cicurel, détruits par une attaque à la bombe, avaient été reconstruits par son père en 1946, puis ils ont été de nouveau dévastés. Car les propriétés des juifs étaient particulièrement visées, les magasins Cicurel étaient brûlés, ainsi que l’hôtel Shepheard. Les Cicurel ont dû quitter leur résidence à Maadi pour s’installer temporairement au quartier huppé de Zamalek.
Son père, étant le président de la communauté juive en Egypte, avait tissé des liens avec les Officiers libres, notamment le général Mohamad Naguib. Il a décidé de reconstruire ses magasins et de poursuivre son activité, alors que d’autres juifs égyptiens avaient décidé de quitter. Il se sentait vraiment égyptien et avait soutenu l’armée égyptienne à Alamein, indique l’auteur, ajoutant que son oncle paternel, Joseph, fut le directeur de la Banque Misr, voire l’associé de Talaat Harb, et l’un des principaux administrateurs de la banque qui cherchaient à briser l’emprise étrangère sur l’économie égyptienne. De plus, sa famille a contribué au développement de la culture du coton. Elle a toujours mis ses contacts de par le monde à la disposition du pays. Et même après la nationalisation de ses magasins, son père était toujours convaincu que l’Egypte était l’exemple type de la société multiculturelle.
Ronald Cicurel retrace son arbre généalogique. Son grand-père, Moreno Cicurel, le patriarche de la famille originaire de Smyrne (aujourd’hui Izmir), a émigré de Turquie en 1870 pour s’installer au Caire, disposant alors de grands moyens économiques. Ayant commencé comme assistant de tailleur dans le quartier de Mouski, il a ensuite trouvé du travail dans les grands magasins Hannaux. En 1887, il a ouvert son premier magasin dans le petit bazar. Et peu de temps après le début du siècle, il a ouvert un nouveau grand magasin au centre-ville du Caire, près de la place Opéra, ainsi qu’une chaîne de magasins d’aubaines appelée Oreco, à Alexandrie et à Ismaïliya, desservant la classe moyenne.
Les magasins Cicurel ont réussi à se faire une place sur le marché et à se forger une belle réputation, au point de devenir le fournisseur du palais royal sous le règne des rois Fouad et Farouq. Après la mort de Moreno en 1919, son fils aîné Salomon a pris la relève, mais il a été tué en 1927, à 46 ans, et son meurtre brutal a fait la une de tous les journaux. La femme de Salomon est partie vivre en France avec leurs enfants, et n’est jamais revenue vivre en Egypte. L’auteur précise dans ses mémoires que Lili, la fille de Salomon, a épousé plus tard, en 1933, Pierre Mendès-France, ancien premier ministre français.
En 1956, pendant la crise de Suez ou l’agression tripartite, les grands magasins Cicurel furent placés sous contrôle gouvernemental, comme pas mal de biens juifs. La majorité de la famille a quitté l’Egypte. Et ce n’est qu’en 1961 que les magasins ont été nationalisés. L’auteur raconte qu’un bon matin, sa mère les a réveillés pour se rendre à l’aéroport en vitesse, pour atterrir en fin de compte en Suisse, alors que son père, Salvator, qui dirigeait l’entreprise familiale, fut arrêté.
La vie sous la neige
Ronald a essayé de s’adapter à leur nouvelle vie sous la neige. Soudain, l’argent est devenu un sujet d’une grande importance pour tous les membres de la famille, car ils en manquaient. Sa maman a dû vendre tous ses bijoux, et le monde s’effondrait autour d’eux. Le contexte politique de l’époque est souvent de mise. L’auteur communique sa vision de la royauté. Il raconte la naissance de l’Etat d’Israël, les réactions hostiles des Frères musulmans contre les juifs, soulignant que ce sont probablement eux qui ont endommagé les magasins Cicurel du centre-ville dans les années 1940. En même temps, il nous emmène souvent dans les lieux de son enfance, Groppi, à la rue Soliman pacha, Lappas à la rue Qasr Al-Nil, le souk de Khan Al-Khalili, Garden City, etc. « Cette ville où je suis revenu la première fois en 1987 a une âme particulière, aucune ville ne peut lui faire concurrence. (…) Je ressens toujours la tiédeur de l’Egypte et je me suis posé cette question : pourquoi avons-nous quitté ce pays magnifique, d’autant plus que ma famille avait de très bons rapports avec le pouvoir militaire ? Mais l’histoire de 1956 a mis fin à 2 600 ans de présence juive en Egypte », fait-il remarquer dans son livre.
Son père Salvator n’a jamais pensé au fait qu’Israël puisse être la destination de sa famille. Il a simplement compris qu’il fallait tourner la page, et n’a même pas essayé de restituer ses biens. Cependant, sa mère ne s’est jamais adaptée, elle est restée « Madame Cicurel la Cairote » !
Le fils, Ronald, se contentait pendant des années de raconter la même anecdote à ses amis. « Je n’ai jamais dit à mes amis que nous avions été chassés d’Egypte, mais je leur disais que nous avions quitté à cause de la chaleur », mentionne-t-il, ajoutant qu’ils ont obtenu la nationalité suisse et renoncé à l’italienne. En 1976, le président Sadate avait adressé une lettre à son père, lui demandant de revenir en Egypte et de récupérer ses biens, mais ce dernier venait de mourir !
« Ma gouvernante m’avait appris à remercier le bon Dieu, et cela m’a permis d’accepter le bonheur et de ne pas être hautain ». Ceci dit, il a toujours su profiter des petits plaisirs de la vie, une rencontre, un paysage, une découverte, un bon livre … même si « une partie de lui est toujours restée là-bas », dans ce pays où il est né, celui de ses souvenirs. Et de conclure que le dénominateur commun de tous les juifs d’Egypte est cette indépendance d’esprit et le sentiment de liberté. Une liberté qui lui a permis de dépasser ses peurs et de surmonter les tempêtes.
Mémoires du Caire. Souvenirs d’enfance d’un grand-père juif d’Egypte, de Ronald Cicurel, aux éditions Sarina, 118 pages.
Editions Sarina
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